jeudi 5 mars 2015

Le mépris – Alberto Moravia




Traduction : Claude Poncet
Éditeur : Flammarion
Collection : Garnier Flammarion / Littérature étrangère
256 pages
5,90 €

Accroche :
Capri ! Au pied des Faraglioni, l'île rayonne d'azur et de sérénité. Pourtant, le drame couve entre Emilia et Riccardo. Perdu dans les méandres d'un scénario sur l'Odyssée, Riccardo sent sa femme se détacher de lui. Emilia ne l'aime plus. Pire, elle le méprise. Drôle de coïncidence ! Riccardo voit soudain sa propre vie se superposer à son scénario. Si Ulysse tarde à revenir à Ithaque, c'est par crainte de revoir Pénélope, sachant qu'il doit la reconquérir. Reconquérir Emilia! Voilà bien l'unique obsession de Riccardo ! Sait-il seulement ce qui agite Emilia ? Désenchantement? Ennui? Attirance secrète pour Battista, le fastueux producteur ? Dans «le ciel bleu du mépris», l'orage gronde...


Mon avis :
J’adore Moravia que j’ai découvert ado avec 1934. Depuis, je me fais régulièrement un petit plaisir en en lisant un nouveau au fil des années. Je m’étais gardé Le mépris, car j’avais en tête les images du film de Godard et je craignais d’être en quelque sorte « contaminé », que mon imagination ne fut pas libre de s’exercer à la lecture des pages de Moravia. Ce ne fut absolument pas le cas, tant est puissant le verbe moravien. Dès les premières lignes, j’ai été emporté par le récit de Riccardo, le narrateur, et quasiment à aucun moment le film n’est venu vampiriser ma lecture. Sinon à de très rares occasions comme lors de la description d’Emilia qui ne ressemble en rien à Brigitte Bardot, j’en vins à m'étonner du choix du casting. Sophia Loren aurait mieux convenu. Mais là n’est pas l’important.
Le mépris est un roman sur les illusions, d’abord celle que se fait le héros sur sa femme, des sentiments qu’elle éprouve à son encontre. Mais aussi illusions d’Emilia à l’encontre de Riccardo. Illusion aussi sur le métier de scénariste, cinéaste, le cinéma qui est l’art de l’illusion par excellence : 24 illusions par seconde, pourrait-on dire. Illusion de cette société petite-bourgeoise, du « civilisé » face au « primitif ». C’est aussi le roman de la mort d’un couple, de leur amour. C’est également un roman qui détaille les méandres de l’âme humaine et même si cela se déroule en Italie (Rome, puis Capri) dans les années 50, il y a une véritable universalité et cela pourrait se passer n’importe où de nos jours.
L’histoire est relativement simple, Riccardo, jeune marié et critique de cinéma, doit devenir scénariste pour pouvoir payer les traites de sa maison qu’il a achetée pour faire plaisir à sa femme. Pour obtenir ce premier contrat, il collabore avec un producteur qui révulse Emilia, la jeune épouse de Ricardo. Dès leur première rencontre, Battista fait des avances à Emilia, ce que Riccardo ne voit pas et cette attitude, Emilia la juge ignoble et digne de mépris. C’est du moins ce que rétrospectivement comprendra Riccardo qui vient alors de perdre l’amour de sa femme.
On évolue donc dans une société petite-bourgeoise des années 50, dans le milieu du cinéma et d’un jeune couple en déliquescence… le tout admirablement écrit par Moravia. Car que dire de son style, à la fois sobre et efficace, poétique et intelligent ? Sinon qu’il est un pur régal. Les descriptions de Capri sont si visuelles qu’on a l’impression de s’y trouver, de même qu’on est dans la tête du narrateur, de ses interrogations, doutes, colère ou abattement. On vit avec lui les séances d’écriture d’un scénario, les interminables balades en voiture ou les affres du malheur conjugal. On a aussi droit, via le metteur en scène Rheingold, à une étrange lecture très psychanalytique de L’Odyssée d’Homère… qui apparaît comme une lecture explicative du mépris d’Emilia envers Riccardo, jugé non plus comme un « homme », car il aurait jeté sa femme dans les bras d’un autre homme, en l’occurrence Battista.
Voici, entre autre, ce qui fait du mépris un roman aussi fort et intéressant, du moins à mes yeux.


Quoi lire après ?
Je dirai L’attention, jusqu’à présent mon Moravia préféré ou l’excellent L’ennui.

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