jeudi 6 juin 2013

Intime conviction et erreur judiciaire, Un magistrat assassin au 17e siècle ? de Benoît Garnot




Accroche :
A Beaune, au milieu du 17e siècle, un magistrat et sa servante sont assassinés. Un autre magistrat et les deux fils de celui-ci sont accusés et exécutés. L'analyse du dossier judiciaire permet à l’auteur de cet essai historique, Benoît Garnot, de poser le problème de l’erreur judiciaire, et de montrer que le système judiciaire de l’époque se base surtout sur l'intime conviction des juges. Ce livre est aussi (et surtout !) une contribution à l'histoire sociale de la France moderne.

Prix : 18 € aux Editions Universitaires de Dijon


Mon avis :
Mon accroche ci-dessus, plutôt courte, s’agrémente d’une petite parenthèse cynique, parce que contrairement à ce que suggère le titre de l’ouvrage, celui-ci parle davantage des mœurs des Beaunois que de l’affaire criminelle censément à la base de l’essai. Un gros regret donc, en ce qui concerne le choix du titre qu’on pourrait juger comme racoleur considérant le véritable contenu de ce livre.
Mais plutôt que de déplorer ce qu’il n’y a pas dans ce livre, basons-nous sur les véritables informations apportées.
Dans la première partie de son essai, Benoît Garnot nous renseigne sur l’affaire criminelle en question, se basant, comme tout au long de l’œuvre sur les archives de l’instruction judiciaire. De la découverte des corps, aux premières rumeurs, témoignages, aux premières suspicions, de la fuite du père Guyot et de ses fils, de leur errance d’abord à Lyon, ensuite à Avignon pour finir par leur arrestation.
Puis avec les six parties suivantes, dans un style assez aride, Garnot nous fait partager la réalité de cette petite ville Bourguignonne : mœurs, hiérarchies sociales, relations familiales, place de la domesticité, possessions matérielles, habitat, us alimentaires, pratiques religieuses, perception du monde, du temps, de la justice...
Avant de finalement revenir dans les deux dernières parties à l’enquête judiciaire, à la détention, à la condamnation des trois Guyot, et finalement comme un passage obligé, mais pas central : à la pauvreté des preuves qui les aura fait condamner.
Si certaines informations concernant les gens et la période historique sont intéressantes, d’autres m’ont semblées parfois redondantes ou peu pertinentes, dans le contexte de ce livre au titre pourtant évocateur, mais aussi parce que l’auteur ne s’appuie que sur ces témoignages de Beaunois recueillis dans la circonstance si particulière d’une instruction judiciaire.
Le plan de narration, le titrage, le découpage en parties, sont clairs, cohérents dans le cadre d’une l’argumentation historique. Plutôt académique, « scolaire », classique, il ne laisse que peu de place au développement de la réflexion du lecteur qui perd de vue l’affaire criminelle dans la plus grande partie de l’essai. Le lecteur qui se trouve en outre parfois renseigné trop tôt de certains faits comme extraits du cours normal de la chronologie pour les besoins de cette énumération de données sociétaires.
J’ai aussi été étonnée de la pauvreté des apports didactiques : peu de notes de bas de page explicatives, pas de traductions des extraits de témoignage en vieux français, (parfois difficilement accessibles pour le néophyte), des explications de concept arrivant à la fin du livre et non à leur première apparition dans celui-ci et une bibliographie plutôt mince pour un essai qui compte pourtant plus de 150 pages.
Cet essai m’aura donc laissé une impression mitigée et m’amène aussi à me questionner sur la possibilité pour le public de s’intéresser aux publications universitaires quand, elles sont, à l’image de cet ouvrage très, voire trop détaillé, académique et à qualifier d’«affaire de spécialiste».

Quoi lire après ?
Un bon polar : un Fajardie, un Hammet, un Burke, un Leblanc... pour connaître le frisson de l’enquête policière. Et un Decaux ? Parfois la manière fait beaucoup pour mettre en valeur le fond... historique.

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